Petite chronique du PLU, article N°4: Pas bon l’OAP?… 2/2

Quatrième article de cette chronique dédiée aux histoires de PLU à Durfort (le premier est ici, le deuxième ici, le troisième ici)…

L’élaboration du PLU de 2019 s’est faite après une large concertation des habitants. Le choix dans l’OAP (Orientation d’Aménagement et de Programmation, document accessible ici) des terrains constructibles a pris en compte le désir de 3 propriétaires dont, désormais, 2 ne souhaitent plus vendre. Pourtant, ils ont demandé par écrit au début de la procédure que leurs terrains deviennent constructibles. Ils ont obtenu satisfaction. Et puis après coup, ils ont décidé que non…

Et pourquoi?

Pour une raison simple: ils souhaitaient que leurs terrains redeviennent constructibles (ils l’avaient été, puis avaient perdu cette qualité lors du dernier PLU de 2008), mais ils souhaitaient pouvoir décider comment ils seraient vendus: à quel rythme, à qui, pour quel projet, etc….
Et c’est là que le bât blesse: leurs terrains sont bien (re)devenus constructibles, mais dans le cadre de la fameuse OAP (Orientation d’Aménagement et de Programmation), c’est à dire dans le cadre d’une opération globale sur laquelle ils n’auraient pas eu prise.

Et ça, pas d’accord! Ils/elles préfèrent ne pas vendre du tout que de vendre dans ces conditions.
D’où la question essentielle qui n’est jamais abordée lorsque le PLU est évoqué: cette OAP a-t-elle un intérêt quelconque pour le village – et dans ce cas-là, n’est-il pas dommage que 2 personnes puissent bloquer le développement complet du village sur les 10 ou 15 prochaines années? -, ou cette OAP est-elle effectivement un truc tout nul et tout pourri – et dans ce cas-là, heureusement, finalement, que ces propriétaires ont choisi de ne pas vendre ?

Quelle(s) conséquence(s) ?

2 propriétaires – sur 3 – bloquent un projet qui concerne l’avenir du village tout entier (750 habitants), puisqu’une grande partie de la surface à urbaniser (ce qui est constructible suite au PLU) est située à cet emplacement, et qu’il en reste très peu ailleurs dans le village. Cette situation devient l’argument majeur de la nouvelle municipalité pour enclencher une nouvelle révision du PLU:

  • qui impliquera à nouveau un investissement conséquent pour la commune (65000 € de cabinet de conseil pour le PLU de 2010),
  • sans certitude sur la bienveillance des autorités compétentes sur ce nouveau projet, compte tenu des impératifs évoqués dans l’article précédent

Objectifs du PLU de 2019

La municipalité en charge de la révision du PLU en 2019 souhaitait par-dessus tout penser un projet global. Elle souhaitait par ailleurs que cette opération soit située au plus près du cœur du village: c’est la fameuse OAP, « vouée à l’échec » selon le maire.

Quels étaient les objectifs de cette OAP? (page 3 doc OAP)

  • renforcer le cœur de village en accueillant de nouveaux habitants à proximité immédiate du centre,
  • déployer une offre de logements diversifiée et répondant aux besoins de la population identifiée (petits logements et locatif dont social, pour les primo-accédant et les personnes âgées, lots libres pour les familles),
  • permettre une densification maîtrisée en intégrant le nouveau quartier à son environnement (bâti – PAU – et maillage existant),
  • créer un quartier «complet» : mixité des formes urbaines et diversité d’espaces publics et privés,
  • penser les aménagements des espaces libres avec les usages et la gestion de l’eau,
  • clarifier les limites du village et assurer la transition avec l’espace agricole.

Quel en était le programme ?

Surface de l’OAP : 2,75 ha, avec différents programmes imposés :

  • environ 30 logements
  • à minima, 20% de logements sociaux
  • 1 espace public central
  • 1 stationnement mutualisé

Mixité programmatique en terme de formes urbaines :

  • individuel dans des lots libres
  • habitat intermédiaire
  • individuel dense (maisons jumelles, accolées…)

Et enfin: où?

En examinant la carte ci-dessous, on distingue bien le centre du village (zone Ua et Uf1 en particulier), très dense en terme de constructions.

On voit au sud de cette zone les zones Uf2 et Um, construites, mais de façon moins dense. Enfin, à l’est du centre, les zones Um et N sont également construites, mais là encore de façon très peu dense.
On voit ensuite une grosse tâche AU (pour zone à urbaniser), de couleur jaune. C’est là que se situe la fameuse OAP.

Zonage du village + OAP

Quels sont les défis de notre époque?

Limiter l’étalement urbain et arrêter de grignoter les terres agricoles:

Certes, nous sommes à la campagne. Mais l’incertitude qui pèse sur l’avenir en terme d’indépendances alimentaire et énergétique nous impose de mettre un réel coup d’arrêt à cet étalement sans limite qui est la marque de fabrique du XXe siècle. Ces façons de faire relèvent de la préhistoire. Il est temps de passer enfin au XXIe siècle!

Permettre une modification réelle des comportements en terme de déplacements:

Aujourd’hui, dans nos villages, tout le monde prend sa voiture pour un oui ou pour un non. Nous avons perdu l’usage du vélo (non électrique s’entend) et de nos jambes. Lorsque l’on est à 1 ou deux kilomètres du centre, le moindre déplacement devient alors synonyme de consommation d’énergie fossile: amener les enfants à l’école, aller à la mairie, à la poste ou à la Coopé, venir au foyer, passer un moment chez un(e) ami(e), etc…

Assurer un développement harmonieux du village:

Alors que la population de notre village vieillit inexorablement, il faut permettre à des jeunes couples de s’installer, qu’ils soient originaires OU PAS du village, la diversité ne pouvant être que bénéfique à tout le monde. Ils viendront avec des jeunes enfants qui seront scolarisés, ce qui évitera les fermetures de classes qui se multiplient partout actuellement, pour les raisons comptables que l’on sait, seule boussole de nos experts-technocrates qui manient les vies des humains exclusivement à partir de tableaux Excel: nous ne sommes que des chiffres dans des cases, et ce, dans tous les domaines (hôpital, psychiatrie, pédopsychiatrie, petite enfance, viellesse…). On le sait, le foncier est devenu inaccessible pour une partie non négligeable de la population. Il faut donc proposer du locatif, mais aussi du petit logement en propriété et ma foi, possiblement également des logements plus grands, là aussi accessibles à la propriété. Il en va de même pour nos anciens, que l’on enferme souvent dans des maisons de retraite dont on sait, aujourd’hui, ce qu’elles sont en réalité: des mouroirs.

Construire implique de penser aux réseaux:

Plus on éparpille, plus on doit tirer de câbles et de canalisations. Outre le coût financier, il y a un impact écologique fort. Je ne reviendrai pas ici sur le problème du cuivre dont la demande explose à l’échelle mondiale et dont on ne sait pas dans quelle mesure on pourra encore en fournir d’ici seulement une trentaine d’années. Le reste est à l’avenant.

Reste la question du stationnement dans notre village:

Cette question n’a jamais été abordée de façon structurelle. Tout s’est fait au gré des ventes de terrains au fil des décennies passées, et jamais une offre globale de stationnement, pour les riverains et les visiteurs, n’a été pensée. Du coup, à Durfort, bien que de nombreuses villas aient été construites depuis 30 ou 40 ans, on se gare sur la route, même pas sur un éventuel trottoir qui de toutes façons, n’existe pas la plupart du temps.
Prenant en compte tous ces éléments, quelle réflexion viendrait immédiatement à l’esprit de n’importe qui de censé, conscient des enjeux de notre époque?

Trouver une zone, proche du centre, suffisamment grande pour permettre une opération qui à elle-seule relèverait tous ces défis. C’est tout l’objet de l’OAP qui avait été prévue pour être réalisée sur cette tâche jaune AU. Y avait-il un meilleur endroit que celui-ci pour mener à bien une telle opération? Personnellement, je pense que NON.

En conclusion

Cette OAP avait-elle une valeur quelconque à l’échelle du village? Je réponds OUI.

Est-ce que 2 propriétaires (sur 3) qui refusent de vendre, peuvent bloquer le développement harmonieux de tout un village de 750 habitants? Légalement oui. Moralement et déontologiquement, on peut se poser la question. Comme je l’ai déjà expliqué, ces propriétaires avaient tout d’abord fait le demande écrite pour que leurs terrains deviennent constructibles. Je rappelle qu’il existe aussi (et toujours) des procédures pouvant permettre de débloquer la situation.

Pour ne pas rentrer dans ces procédures pouvant se révéler compliquées et que personne ne souhaite réellement, la seule possibilité était-elle de lancer une nouvelle révision du PLU? NON.

La première de ces possibilités aurait été d’entamer une négociation réelle et sérieuse avec les propriétaires en question. La position de ces propriétaires ne pouvait-elle absolument pas évoluer? Sous quelles conditions aurait-on pu l’envisager? C’est le rôle d’un maire et de son conseil municipal que de se charger de cette lourde tâche. Mais est-il possible de la mener sereinement lorsque par ailleurs, sa propre femme et ses deux beaux-frères attaquent la commune au tribunal dans le cadre du fameux PLU, ou que d’autres membres du conseil ont eux-mêmes vu leurs propres terrains ou ceux de leurs proches changer de destination? Pour certains, il est plus facile de démarrer une révision du PLU…

Pour faire simple, la commune dispose,de 2,75 ha (la surface de l’OAP, l’Etat n’accordant probablement pas beaucoup plus dans le cadre d’un nouveau PLU) à fractionner en plusieurs zones que l’on pourra installer sur d’autres terrains Qui seront les heureux élu(e)s? L’avenir nous le dira…

Il existe aussi une autre astuce: trouver une bonne raison pour déplacer tout ou partie de la surface dédiée à l’OAP. Il resterait alors à dispatcher le reste de la surface constructible ailleurs, sur les terrains des bonnes âmes qui se dévoueraient alors pour vendre leurs terrains… Et si nous invoquions… le besoin d’une zone artisanale à Durfort? Ce n’est pas une blague, et c’est déjà bien avancé!

Et c’est…

A SUIVRE!

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