Et un beau jour, on se retrouve élu dans un conseil municipal…
Certes, cela arrive à pleins de gens partout en France et ailleurs. Mais quand même. On a beau se croire préparé à ça, c’est quand ça arrive qu’on réalise que tout n’est pas si simple… 28 juin 2020, paf et patatras ! Ce coup-ci, c’est pour de bon, me voilà élu au conseil municipal de Durfort.
Certes, je l’ai un peu cherché… Ce n’est pas arrivé par l’opération du Saint-Esprit… Je ne me suis pas réveillé un beau matin, un petit mot glissé délicatement sous mon oreiller : « David, tu es élu… ».
Non… Ça ne s’est pas passé comme ça…
Un petit retour en arrière s’impose…
Printemps 2019. J’ai une illumination. Dans un an, c’est les élections municipales… J’espère que vous mesurez la clairvoyance du bonhomme. Une qualité utile pour ma future fonction. Jusque là, tout va bien, la situation est sous contrôle. Se pose alors la question fatidique : j’y-va-t-y ? j’y-va-t-y-pas ?… Heu, en réalité, on vient me voir, et on me pose la question : t’y-vas-t-y ? t’y-vas-t-y-pas ? Quoi qu’il arrive d’ici les élections à venir, il y aura du remaniement au sein de la municipalité sortante… Et certains me verraient bien faire un bout de chemin avec eux à l’occasion de la future mandature… Faut voir.
M’impliquer dans mon village est un truc qui fait partie de mon ADN. Cela fait à ce moment-là 3 ans que je suis installé à Durfort. Je me suis impliqué, de façon très active, dans le projet de parc photovoltaïque citoyen et coopératif en cours de réalisation, je suis membre du collectif Durfort en Transition, qui organise un évènement annuel autour de la transition (au cas où l’intitulé ne serait pas assez explicite), je suis de près les activités du café citoyen, j’ai épaulé Mme le Maire pour sensibiliser la population aux conséquences désastreuses de la Loi Notre en matière de gestion de l’eau, j’ai essayé d’alerter la population quand Orange est venu nous imposer – enfin pas tant que ça puisque beaucoup de gens l’attendaient avec impatience – une antenne-relais, etc. Bref, en ce qui me concerne, pas besoin d’être un élu pour faire des choses dans son village. J’aime les gens et j’aime faire des choses avec les gens.
Mais en même temps, j’ai toujours défendu l’idée que chacun d’entre nous devrait vivre cette expérience au moins une fois dans sa vie, pour savoir de façon très concrète en quoi consiste le job…
Bref. Je décide alors… de ne pas y aller. Trop de chantiers en cours. Un travail de fond entrepris avec un groupe soudé autour de valeurs communes qui ne doit pas s’arrêter maintenant. C’est encore trop tôt… Je sais que je ne pourrai plus m’impliquer de la même façon. Moins de liberté ? Plus de contraintes ? Moins de plaisir ? Des coups à prendre ? Pas franchement de reconnaissance pour le boulot accompli ? Ça s’pourrait… Et franchement, je suis plutôt partageur… Je veux bien laisser ma place.
Nous voilà à l’automne 2019… Et rebelote… Les élections sont dans 6 mois, me dit-on. « Non, sans déconner. J‘savais pas. » Ah mais quand même… Y’en a qui s’accrochent… Bon… Je redis tout pareil : pas besoin d’être élu pour faire des choses dans le village, et réfléchir à notre avenir commun. Une fois encore, je décide de laisser ma place…
Mais c’est qu’y en a qui ne l’entendent pas de cette oreille… Faut dire qu’il est extrêmement difficile dans des petits villages, de trouver des volontaires. C’est que les élus, on veut bien les critiquer, leur taper dessus (attention, à prendre au second degré bien sûr!), dire « qu’y font tout n’importe comment, et que si c’était nous, on verrait c’qu’on verrait », ben en fait, y’en a pas tant que ça qui veulent bien montrer comment ils feraient… Du coup, si certains sont hyper motivés pour aller faire le job – les têtes de listes et quelques personnes qui gravitent autour –, ils ont parfois – souvent ? – du mal à boucler leur liste. A trouver des filles et des gars prêt(e)s à consacrer pendant six ans une grande partie de leur temps libre pour causer fuites sur le réseau d’eau, problèmes d’approvisionnement en eau, gestion des eaux usées à l’échelle de la commune, traversée du village, enfouissement des réseaux, problèmes de voirie, de voisinage, de hauteur de mur, de coq qui chante un peu trop tôt, de grenouilles qui pourraient quand même aller faire leurs vocalises ailleurs que dans le village, de crottes de chien, d’incivilités, d’éclairage public, et que sais-je encore… Les sujets sont divers et variés. Chacun d’entre nous, lorsqu’il est concerné par celui-ci ou celui-là, le trouve plus important que tout le reste, et finalement, les élus sont là pour s’occuper de tout ça. J’ai voté. J’ai désigné celles et ceux qui allaient s’en occuper. Y-z-ont plus qu’à faire le job. Circulez, y’a rien à voir !
Alors, j’en parle autour de moi : « hé, les gars (et les filles aussi), vous savez qu’il y a des élections bientôt ? Moi, j’pense que si l’un(e) d’entre nous voulait bien y aller, ce serait une super idée ! Je suis sûr que vous feriez super bien le job, et si vous y allez, promis, je vote pour vous. Alors, des volontaires ? »… Silence gêné… quelques regards en coin… et… silence encore plus gêné qui finit par virer au mutisme…
Résultat des courses …
(presque) personne… C’est bizarre, ce peu d’empressement de notre part à vouloir nous occuper des affaires publiques. Y-aurait-il un dysfonctionnement quelque part ? Mais est-ce le système qui dysfonctionne ? Ou est-ce nous, les citoyens, qui dysfonctionnons au point de pas vouloir prendre en charge la gestion de notre cité ? Peut-être un peu les deux ? On pourrait écrire des livres entiers sur le sujet.
Bon… Vu l’empressement de mes concitoyens à vouloir faire le job, et parce que Nicole, la maire sortante, m’a toujours semblé légitime à briguer un second mandat, je finis par dire oui… La critique, souvent acerbe, de l’autre ou de l’action de l’élu, le plus souvent derrière son écran ou sur son canapé, est facile. Mais accomplir au quotidien tout le travail, les arbitrages, le don de soi, que demande la fonction de maire est une autre histoire. On peut ne pas toujours être d’accord avec les choix de tel(le) ou tel(le) élu(e), il s’agit de reconnaître la qualité du travail accompli lorsque c’est le cas. Et concernant Nicole, c’était le cas. Je dis donc oui. Un oui du bout de la langue, à peine murmuré, mais qui est bel et bien un oui. Et là, ya ka fo kon ! Au boulot ! Entre temps, quelques personnes proches avec qui j’ai très envie de travailler se porteront volontaires aussi. Ça, c’est chouette, et ça met du baume au coeur. Elles ne seront pas élues. Ça, c’est vraiment dommage car j’aurais aimé vivre cette expérience à leur côtés. Je suis convaincu qu’on aurait fait du super boulot ensemble !
Je passe très très rapidement sur le démarrage de cette année 2020, tellement riche en évènements qu’elle risque de faire l’objet d’un nombre non négligeable d’ouvrages en tout genre : campagne électorale, suivie du premier tour des élections municipales le 15 mars. Je suis élu à cette occasion. Mais aussi sec, parce que certaines choses dérapent un peu au niveau sanitaire à l’échelle mondiale, voilà la moitié de l’humanité confinée chez elle pour cause de pandémie mondiale (on y reviendra aussi en temps utiles). Ce confinement démarre dès le 17 mars en ce qui concerne la France. Euh, on n’aurait pas pu imaginer que le premier tour des élections, deux jours avant le début du confinement, aurait pu lui-même être pré-confiné ? Du genre reporté ?…
Du coup, suspense intenable en ce qui concerne le maintien ou l’annulation des résultats du premier tour, de la tenue ou pas du deuxième tour dans un délai raisonnable, du report pur et simple de tout ça pour cause de bazar politico-économico-sanitaire planétaire. Période un peu particulière sur laquelle je reviendrai ultérieurement, suivie du déconfinement le 11 mai. Maintien de l’incertitude quant aux élections jusqu’au 22 mai, annonce du maintien du second tour programmé alors le 28 juin, et nous voilà… paf et patatras, ce coup-ci, c’est pour de bon, me voilà élu au conseil municipal de Durfort.
Attention, terrain miné !
Terrain miné parce que partout en France, et certainement ailleurs, les conseils municipaux sont le théâtre d’affrontements entre des individus qui confondent souvent combat politique et combat personnel, ou querelles d’égo. Le premier vise à poser la question de notre organisation collective, de la vie de la cité. Il réfléchit donc à la société que l’on cherche à développer, par opposition à celle, ou celles, que l’on veut éviter. Le reste repose sur des querelles d’individus qui ne pensent qu’à travers le prisme de leur intérêt ; le leur ou celui d’un groupe d’individus. Ce travers dont nous avons tous entendu parler, ici ou ailleurs conduit souvent à des situations inextricables, avec des « gagnants » et des « perdants », mais surtout, des gens qui se détestent cordialement (ou pas) et qui ne sont plus au service de l’intérêt général mais au service de leur propre intérêt, ou simplement emprisonnés dans leurs querelles sans en prendre réellement conscience. Et les grands perdants sont les citoyens.
Sera-ce le cas à Durfort ? Je suis d’un naturel optimiste. Lucide mais optimiste. Je sais fort bien tout ce que l’on dit et que l’on entend. Mais je préfère passer outre et faire le pari de l’intelligence. Je dirai donc « non ».
Bien qu’élu sur une liste ultra minoritaire face à une liste ultra majoritaire, je refuse de me considérer comme membre de l’opposition ou de quoi que ce soit d’autre qui, par définition, s’avèrerait clivant. Nous vivons dans un village de 750 habitants. Y-a-t-il des sujets à ce point clivants que nous ne puissions nous entendre ? J’espère que non. Mais je suis lucide aussi. D’où cette idée de terrain miné… Ce site va me permettre de tenir au jour le jour une chronique de mes péripéties : conseil municipal, vie du village, vie associative, le tout en m’efforçant de faire le lien avec la grande Histoire, à savoir que la vie des humains sur la planète, et notre avenir commun ne peuvent se limiter à une réflexion exclusivement centrée sur Durfort aujourd’hui ou demain. Faire le lien entre des sujets qui peuvent paraître lointains de prime abord, comme s’ils ne nous concernaient pas, et notre quotidien ici dans notre village peut aider à prendre des décisions réfléchies, bonnes pas seulement pour nous les durfortois, mais aussi pour ceux qui vivent ailleurs et ceux qui vivront après nous. Cela me semble être un exercice passionnant. Après tout, j’ai vécu ailleurs (Montpellier, Avignon, Lyon, Mâcon, Limonest, Vaise, Vinzelles – si ça vous intéresse, cherchez sur la carte pour voir où c’est –, Saint-Mathieu de Tréviers) et si chaque village ou ville ne s’était soucié que de ses propres problématiques pour faire ses choix, il serait difficile d’avoir le sentiment d’appartenir à la grande famille des Humains. Ce qui m’anime est qu’un jour advienne ce que je nomme la « Cité Humaine Universelle ». Y’a du taff, mais c’est un bel idéal.
Alors comme dirait l’autre : ya ka fo kon, et ce coup-ci pour de vrai !