Partager la publication "Une zone artisanale à Durfort?"
Ainsi en ont décidé les autorités compétentes: Durfort va avoir sa propre zone artisanale!!!
Tous les voyants sont au vert, et sauf soulèvement de la population qui manifesterait de façon – très – visible son opposition, c’est comme si c’était fait.
Je tiens à le préciser dès le départ: cet article sera un peu rébarbatif à lire… Nous allons devoir nous plonger dans quelques documents administratifs… Aïe… Pas drôle… Mais indispensable pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire.
Vers le nouveau PLU, la Synthèse du Diagnostic et de l’Etat Initial de l’Environnement.
Si l’on s’en réfère à ce document, présenté en réunion publique le 16 novembre 2023 (accessible ici), les thématiques retenues par le premier atelier citoyen ne mentionnent pourtant pas la nécessité ou l’envie d’une quelconque zone d’activité.
Voilà ce qu’on peut y lire en page 3:
« Trois thématiques ont cumulé le plus de vote :
– Equipements, commerces et services / activités économiques: la préoccupation principale est liée au maintien des commerces et équipements de proximité.
– Paysages naturels et agricoles, patrimoine: les participants sont très attachés aux paysages agricoles, notamment viticoles, et s’inquiètent pour le devenir de l’agriculture et des paysages.
– Paysages urbains, qualité urbaine: les participants ont mis en avant la nécessité d’être vigilant sur l’esthétique et l’implantation des constructions, et la préservation du patrimoine bâti. Le manque de qualité de certains espaces publics a été également été pointé.
Deux autres thématiques se démarquent :
– Caractère villageois, tranquillité et ruralité
– Transports et déplacements, notamment les problématiques des cheminements doux et du stationnement. »
Nulle mention, donc, de la part du panel citoyen, d’une zone d’activités.
Pourtant, plusieurs documents des plus officiels y font référence …
D’abord le même que celui que j’ai cité à l’instant. La synthèse du diagnostic et de l’état initial de l’environnement le mentionne en page 5:
« Le PLU doit être compatible avec les orientations définies dans le SCoT. (…)
Durfort est identifié comme un village de proximité appartenant au bassin de vie de Saint-Hippolyte du Fort. Des réflexions / des projets inscrits au SCoT: (…) Zone d’activités à créer ».
A lire ce document, c’est donc parce que le SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale), élaboré à l’échelle de la communauté de communes, mentionnerait une zone artisanale, que Durfort héritera du bébé, pour se mettre en conformité avec le-dit SCoT, qui est un document supérieur au PLU.
Il nous faut donc nous tourner vers le SCoT et ses divers documents préparatoires.
Que peut-on y lire?
En page 45 du Projet d’Aménagement Stratégique (PAS), on découvre la chose suivante:
« De plus, une réflexion économique à moyen-long terme est également menée avec notamment deux autres projets portés par le SCoT pour une superficie globale de 9 hectares visant à équilibrer le développement économique et de l’emploi sur la totalité du territoire :
– La création d’une zone artisanale dans la commune de Durfort,
– L’implantation d’une nouvelle zone économique dans le secteur d’Aigremont. »
Durfort et Aigrement se partageront donc 9 hectares… On entend parfois que la future zone de Durfort ne serait que d’un hectare… Les habitants d’Aigrement savent-ils, dans ce cas-là, qu’ils hériteront de 8 hectares de zone d’activités?…
Toujours selon le PAS, d’autres zones sont d’ores et déjà prévues, avant que celles de Durfort et d’Aigremont ne voient le jour:
« Les trois secteurs de développement économique identifiés à court-moyen terme sont les suivants :
- L’extension de la ZAE des Batailles à Saint-Hippolyte-du-Fort (5 ha) notamment pour accueillir de
l’artisanat et des PME ;
- La création de l’Ecoparc des Garrigues à Liouc (8 ha hors production d’électricité). En continuité de l’actuelle déchèterie et de l’usine PAPREC, et dans une logique d’économie circulaire, la zone prévoit d’accueillir une usine de traitement des déchets plastiques agricoles ainsi que diverses entreprises locales (artisanat, PME). Il est également prévu de compléter ces installations par une activité de production d’énergie verte comptant une ferme solaire (environ 30 ha) et une unité de production d’hydrogène vert (environ 6 ha).
- L’extension de la zone d’activité à Quissac (2 ha), avec une vocation tertiaire et commerciale. Il est notamment prévu l’agrandissement de la grande surface commerciale déjà installée au sein de la zone. »
A ces surfaces déjà conséquentes (5+8+2 = 15 ha, sans les surfaces dédiées à de la production d’énergie – 30+6 = 36 ha), se rajouteraient donc 9 hectares sur les communes de Durfort et Aigremont.
En page 71 d’un autre document, le Diagnostic Stratégique ici), on apprend qu’en « 2020, sur l’ensemble des 49,2 hectares des zones d’activités, 88% sont occupés ou indisponibles:
- Un peu plus de 25 ha sont déjà occupés par des locaux d’activité.
- 11 ha sont non constructibles car dédiés aux réseaux, bassins de rétention ou espaces verts.
- 6,8 ha correspondent à des parcelles en cours de commercialisation, notamment sur Sauve (5 parcelles avec des engagements de vente) et Saint-Hippolyte-du Fort sur la ZAC des Batailles où la totalité des terrains non bâtis ont été acquis (hors réserve foncière de 5 ha).
Les parcelles non-bâties disponibles en zone d’activité représentent un potentiel de 6 ha à l’échelle du SCoT. »
Récapitulons:
49,2 (existant) + 15 (à créer) + 9 (Durfort & Aigremont) = 73,2 ha de zones d’activités diverses à l’échelle de la communauté de communes, auxquelles il faut rajouter 36 ha de production d’énergie.
Au total: 109,2 ha dédiés à l’activité économique et à la production d’énergie, soit un doublement de la surface initiale.
Première question: avons-nous réellement besoin d’urbaniser autant de nouvelles surfaces, à l’heure où l’on parle de tendre vers Zéro Artificialisation Nette (ZAN)?
Comme bien expliqué dans ce texte du Ministère de l’écologie:
« Sur la décennie précédente, 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés chaque année en moyenne en France, soit près de 5 terrains de football par heure. Tous les territoires sont concernés : mais en particulier 61% de la consommation d’espaces est constatée dans les territoires sans tension immobilière. Les conséquences sont écologiques (érosion de la biodiversité, aggravation du risque de ruissellement, limitation du stockage carbone) mais aussi socioéconomiques (coûts des équipements publics, augmentation des temps de déplacement et de la facture énergétique des ménages, dévitalisation des territoires en déprise, diminution du potentiel de production agricole etc.). » Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, c’est ici.
Une autre question se fait jour à ce stade de la réflexion: qui, de l’oeuf ou de la poule, est arrivé en premier?
Les élus de la communauté de communes ont-ils mis le couteau sous la gorge des élus de Durfort leur imposant, contre leur volonté, la création d’une zone d’activités? Ou les élus de Durfort ont-ils demandé, puisque le SCoT est en pleine réécriture, la possibilité de créer une zone artisanale?
Mystère.
Dans un article publié dans Objectif Gard, que j’ai déjà cité (accessible ici), le maire s’exprimait ainsi: « On a déjà fait une demande au Scot pour installer une zone artisanale pour implanter des jeunes. »
C’est un élément de réponse. Dans cet article daté du 2 novembre 2022, on apprend donc que les élus de Durfort ont demandé la fameuse zone artisanale. Mais alors, pourquoi affirmer, dans le fameux document évoqué au début de cet article que « le PLU doit être compatible avec les orientations définies dans le SCOT »?
C’est le serpent qui se mord la queue… On fait une demande à la ComCom, puis on dit que c’est parce que le SCOT l’exige, que l’on se met en conformité…
D’autres questions sont soigneusement laissées de côté:
- A l’heure des défis de notre époque, et, j’y reviens, du ZAN, y-a-t-il urgence et nécessité à urbaniser une commune comme Durfort en l’équipant d’une zone artisanale? N’est-on pas plutôt à rebours de l’histoire en agissant ainsi?
- Une zone artisanale est-elle nécessaire à l’implantation d’artisans? On lit en page 12 de Synthèse du diagnostic et de l’état initial de l’environnement que le village compte – déjà – une dizaine d’activités artisanales. Ces installations ont été possibles sans l’implantation d’une ZA. Faut-il, comme le suggère le document à la même page, « développer une offre en foncier économique », avec toutes les nuisances très bien identifiées aujourd’hui, pour quelques artisans (combien, d’ailleurs?) supplémentaires? Faut-il nécessairement engager une révision totale du PLU pour permettre l’installation éventuelle de quelques artisans, en étudiant chaque demande au cas par cas?
- Selon le maire (cité dans l’article d’Objectif Gard), c’est pour « implanter des jeunes » que l’on pense à cette zone. Quels sont les jeunes artisans susceptibles aujourd’hui d’investir dans un projet à 300 000 euros au moins (foncier + bâti), sans parler de l’équipement propre à leur activité? Les banques les suivent-elles réellement? Ces jeunes viseront-ils réellement une commune comme Durfort, alors qu’existent déjà des zones identifiées et susceptibles de s’agrandir (Quissac et Saint-Hippolyte du Fort), offrant une bien meilleure visibilité et accessibilité?
Foncier + aménagements: autant de charges à venir pour la commune!
Pour que la communauté de communes puisse envisager l’implantation d’une Zone Artisanale, il faut que la commune mette à sa disposition le foncier. Cela signifie acheter en amont les parcelles destinées au projet. Les aménagements (routes, rond-points éclairage public…) sont à la charge de la collectivité. A quelle hauteur sera sollicitée la commune de Durfort? Peut-on connaître la teneur des négociations entre la ComCom et la commune? Quelles seront les modalités de cet engagement? De quelle manière cette future ZA pèsera-t-elle sur les générations futures? Pour quel résultat? Une étude sérieuse des besoins a-t-elle été menée? Quels sont-ils? On parle parfois d’orthophoniste, de magasin de vêtement, de maçon… Mais tout cela reste toujours très vague… Les citoyens ont été consultés, au moins par l’intermédiaire du panel citoyen. Ils n’ont pas réclamé de zone artisanale. Pourquoi donc en imposer une? Peut-être ce sujet pourrait-il faire l’objet d’une consultation citoyenne sérieuse si réellement nos élus sont convaincus du bien fondé de leur proposition…
Bref…
A suivre!
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