Après-mines, un pas en avant ! #1

Cet article est le premier d’une série d’articles qui se penchent sur la question des mines et surtout de l’après-mines. Ils ont été écrits à plusieurs mains, notamment celles des membres du CA de l’association ADAMVM (voir ici). Je les remercie chaleureusement pour leurs relectures et leurs conseils – très – avisés.

Le Conseil d’État du 18 avril 2024 a statué dans le contentieux opposant la société Umicore-France (actuel représentant des anciens exploitants miniers) au Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion du Territoire, à propos de la responsabilité dans la dépollution des anciens sites miniers de la région.
Les sols des zones minières et des environs sont très fortement contaminés par plusieurs métaux et métalloïdes toxiques. Les risques sont élevés pour les enfants résidant dans ces zones, mais aussi pour les adultes. Ces risques sont en particulier liés à la présence de plomb, de zinc, cadmium, de thallium, d’arsenic et d’antimoine. Les effets possibles sur la santé concernent plusieurs tissus (peau, foie, rein, sang, système nerveux…) et diverses pathologies cancéreuses, néphrotoxiques et perturbatrices endocriniennes. Des mesures de gestion de ces risques s’imposaient donc de façon évidente depuis des années, mais ont été ralenties par un long happening judiciaire.

Un peu d’histoire minière

Les deux sites miniers situés sur notre commune, La Coste & Cazalis et la Grande Vernisssière, ont été « fermés » il y a plusieurs décennies. On sait plus de choses sur l’histoire des mines, sommairement résumée dans cet article, que sur les problèmes de l’après-mine, abordés dès le deuxième article à venir.

Les vestiges des sites miniers de Durfort comprennent:

  • un four à calamine utilisé pour le grillage des minerais carbonatés (surtout du carbonate de zinc, Zn CO3);
  • les galeries de mines, qui ont été obturées lors de la fermeture, et sont en partie inondées actuellement;
  • les haldes, qui sont les débris résiduels hétéroclites laissés sur place après séparation des minerais les plus riches qui seront traités; ces haldes, communément appelées « stériles miniers » sont surtout réparties sur les cercles bleus de la carte;
  • les bâtiments miniers avec les laveries, où se pratiquaient diverses opérations dont le but est de trier, et d’enrichir les minerais sulfurés (sulfure de zinc, Zn S et sulfure de plomb, Pb S).
  • les fines de laverie, qui sont les résidus des opérations de laverie, où la teneur en métaux lourds est la plus forte (toutes les explications dans l’article 3 à venir), et qui contiennent par ailleurs des résidus des produits utilisés lors des traitements.

Concession de La Grande Vernissière

Cette concession, historiquement la plus ancienne, concerne les communes de Durfort et de Fressac. Le patronyme Grande Vernissière est associé aux premières activités orientées vers la poterie (alquifoux servant aux vernis). Mais elle fut également exploitée pour le zinc en fin de XIXème siècle, puis officiellement abandonnée en 1912. En 1954, La Société des Mines et Fonderies de Zinc de Vieille Montagne acquiert la concession, mais les travaux se limitent à 5 forages et un petit puits. Ils sont arrêtés en Décembre 1954.

Les vestiges de la Laverie de la Grande Vernissière sont encore visibles à travers la végétation: pans de murs correspondant à un découpage en plusieurs bassins et, au-dessus, un nouveau vestige circulaire maçonné de 15 m de diamètre, appelé de table de Linkenbach. En poursuivant entre végétation et pans de murs, on découvre un canal maçonné en forme d’épingle à cheveux. Le système de bassins et le canal constituaient la zone de transit des eaux traitées après le passage à la table de Linkenbach. Ces tables permettaient un enrichissement des minerais traités par une sorte de «chromatographie hydraulique » consistant à séparer les résidus de la gangue stérile des résidus les plus minéralisés qui étaient évacués dans la couronne externe. Le système hydraulique associé permettait probablement un recyclage important des eaux afin de pallier la rareté de ces dernières dans ce secteur.

Concession de La Coste et Cazalis

Les mines de galène de Durfort doivent remonter à la plus haute antiquité.
Jean Astruc, qui écrivait en 1737, nous apprend que le travail des mines de Durfort était abandonné, de son temps, à la fantaisie des paysans du lieu, qui ne s’en occupaient que lorsqu’ils n’avaient rien de mieux à faire : « Autrefois, dit-il, on faisait sauter le rocher par la mine ; mais la cherté de la poudre, et surtout les difficultés d’en avoir dans les Cévennes, où les fréquents soulèvements ne permettent pas d’en confier aux paysans, sont cause qu’on emploie aujourd’hui un moyen un peu plus long, mais aussi beaucoup moins cher. On allume un grand feu sur le lit du rocher, après l’avoir découvert, et on entretient ce feu jusqu’à ce que le rocher se fende et éclate. On achève ensuite de détacher à coups de maillet ce qui est déjà fêlé et ébranlé ; et s’il arrive que le feu n’ait pas assez pénétré assez avant la première fois, et que les fentes ne s’étendent pas dans toute l’épaisseur du rocher, on y revient une seconde et une troisième fois. »
Les premiers documents en notre possession indiquent qu’au XVIIIe siècle, les mines de plomb de Durfort sont exploitées par deux propriétaires du sol, MM Mathieu et Roussel. Le XIXe siècle voit se succéder divers propriétaire (Société des mines de Paillères, société des Zincs du Midi, Société Vieille Montagne, Société Minière du Gard). La production varie pendant tout le XXe siècle, jusqu’au rachat en 1953 par la S.A. Vieille Montagne, qui reprend l’exploitation de 1955 à 1957, puis de 1967 à Avril 1971.

Quand on suit le chemin des Mines en venant de Durfort, on découvre:
– sur la gauche l’ancienne laverie de Lacoste-Cazalis, en contrebas d’un imposant mur au-dessus duquel existe un réseau de bassins, dont il reste plusieurs bâtiments et 2 tables de Linkenbach aujourd’hui enfouies.

Vestiges de tables de Linkenbach – cliché AGAR, bulletin 103, 2022

– sur la droite, de part et d’autre de la confluence des ruisseaux de Vassorgues et de Tresfont, la principale zone de stockage des « fines de laveries ». Au-dessus de la confluence, s’observe un mur de soutènement partiellement effondré qui encadre un ancien bassin de décantation contenant encore des fines de laveries. Ces boues consolidées appelées « schlamms » (boues en allemand) sont caractérisées par la granulométrie très fine du dépôt (généralement inférieure à 200 μ) et une teneur exceptionnelle en métaux lourds et métalloïdes avec notamment le Zinc, le Plomb, l’Antimoine, le Cadmium (voir article 3 à venir avec l’analyse du Rapport Geoderis 2008). Elles sont réparties en deux alignements perpendiculaires longeant les deux ruisseaux sur une superficie d’environ 8000m2:

D’après A. Charrière 2024

✓ L’alignement N-S bordant le ruisseau de Vassorgues constitue une véritable dune exposée aux agents atmosphériques: : air et eaux de ruissellement. Les fines de laverie entassées sur une épaisseur d’une dizaine de mètres sont parfois recouvertes d’une fine couche « protectrice » décimétrique de sables grossiers.

Fines de laverie entaillées par le ravinement

✓ L’alignement SE-NW bordant le ruisseau de Tresfont est de même nature. Une muraille de soutènement limite l’effondrement direct des « schlamms » dans le ruisseau et la « couche protectrice », sensiblement plus épaisse s’accompagne d’une certaine végétalisation. Ainsi, un magnifique champ de thym (connu pour stocker les métaux lourds) recouvre l’extrémité NW du dépôt.

Champ de thym en fleur sur les fines de laverie de La Coste – On serait tenté de le cueillir …

Umicore

Umicore (anciennement Union minière jusqu’en 2001) est une entreprise belge de production et recyclage de métaux non ferreux, issue de l’Union minière du Haut Katanga, spécialisée dans la production de zinc et de produits avancés (pour les nouvelles technologies), métaux précieux, catalyseurs, etc. Le 24 novembre 1981, l’Union Minière SA disparaît pour former une nouvelle société dite la « Nouvelle Union Minière S.A. ». En 1985, après fusion avec l’ACEC, elle prend le nom de ACEC-Union Minière. Le 28 décembre 1989, l’ACEC-Union Minière absorbe les sociétés Hoboken, Vieille-Montagne et Mechim. Le 13 mai 1992, l’entreprise reprend le nom d’Union Minière, avant de prendre sa dénomination Umicore en 2001. C’est donc Umicore qui représente actuellement le dernier propriétaire des mines de la région avant leur fermeture, même si les mines ont été fermées depuis un certain temps … il s’agit donc de l’interlocuteur dans une procédure de pollueur payeur.

A suivre …

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