Eau Secours !

Pas besoin d’être né à Durfort pour savoir que la question de l’eau y est un sujet sensible, un sujet de plus qui divise les durfortois. La polémique initiée lors de la séance du 4 décembre reflète cette cacophonie. Lors de ma chronique de cette séance, j’avais mentionné sans détailler (je manquais d’informations) les attaques sur la prétendue mauvaise gestion de l’eau de l’équipe sortante. J’ai depuis fait quelques recherches, afin de tenter de démêler le vrai du faux.

Turbidité, vous avez dit turbidité ?

La nouvelle municipalité s’est penchée sur la question du forage de Cabane. Vous savez, le fameux forage dont on parle tant, mais qui ne vient pas. Il y a du nouveau : l’ARS (Agence Régionale de Santé) impose une (nouvelle ?) contrainte de traitement. Une tuile de plus qui nous tombe sur le coin du museau, dans cette histoire de forage qui semble durer éternellement… 

Suite aux dernières inondations, nous avons eu de gros problèmes sur la qualité de l’eau : comme l’eau que nous faisons venir de Lasalle – pour compléter l’eau de la commune – était alors impropre à la consommation pour cause de turbidité trop élevée, nous nous sommes retrouvés quelques semaines sans eau à la maison. Selon le maire et le premier adjoint, c’est« à cause de ce problème de turbidité que les services de l’ARS imposent aujourd’hui de rajouter une unité de traitement sur le site des forages de Cabane ». Faisant cela, l’ARS se contenterait « d’ouvrir un parapluie, voire… un parasol ». Toujours selon le maire et le premier adjoint (je n’ai aucun document en ma possession confirmant ou informant cela), cette unité de traitement engendrera un surcoût aux alentours de 150 000€. Le maire est allé plus loin puisqu’il a tout simplement affirmé que« si nous avions effectué les forages il y a 4 ans, nous n’aurions pas eu la charge de ce surcoût ».

Est-ce réellement suite aux problèmes de turbidité de l’eau fournie par le syndicat de Lasalle (versant du Gardon) lors des épisodes cévenols de cet automne que l’ARS nous impose une unité de traitement sur un forage qui géographiquement n’a rien à voir (versant du Vidourle) ? 

Peut-elle ouvrir à sa guise, et du jour au lendemain, un tel « parasol » et nous imposer cette contrainte ? 

La question de la turbidité de l’eau à Durfort est-elle quelque chose que l’on découvrirait aujourd’hui ? 

Selon le premier adjoint, « rien jusque là n’avait été évoqué et/ou prévu », alors que Nicole Pratlong affirme le contraire. Alors faisons le point.

Tout d’abord, un peu de théorie… 

L’eau souterraine peut provenir de différents milieux souterrains. Certains ont la capacité naturelle d’être plus filtrants que d’autres en fonction de leur nature (terres, sables, etc.) et de leur granulométrie (un sable fin sera plus filtrant que des graviers grossiers). Selon la géologie locale, l’eau peut aussi provenir de milieux souterrains karstiques qui sont des milieux rocheux fissurés (des grottes et des rivières souterraines pour les milieux les plus fracturés). L’eau – de pluie notamment – s’y infiltre rapidement par les fissures existantes. La rapidité de l’infiltration a pour conséquence que cela se fait sans filtration. D’où la nécessité, pour respecter les normes de potabilité, d’apporter pour ces milieux karstiques une filtration que le milieu ne réalise pas naturellement – contrairement à d’autres types d’eau souterraine.

Différents milieux souterrains, une filtration naturelle différente…

Vous trouverez d’autres schémas et explications ici.

Un peu d’histoire …

La première question à se poser lorsque l’ARS « exige »une unité de traitement de la turbidité est donc: quelle est la nature de l’aquifère du site du forage de Cabane ? Cet aquifère est de nature karstique. Dès le départ, en raison de la nature de l’aquifère, car c’est quasi-systématique, l’ARS avait prévu, comme l’a précisé Nicole Pratlong en CM, d’exiger la réalisation d’un traitement de filtration avant mise en service. Ce n’est donc pas la décision, aussi unilatérale que récente, d’un employé zélé de l’ARS : tout cela est encadré par la loi, je vais y revenir.

La question de la turbidité s’était déjà posée sur l’autre point d’approvisionnement en eau de la commune, la source Tresfond ou Montaud. On lit sur la DUP (Déclaration d’Utilité Publique), datée de 2014 – quand même ! – de ladite source, que « l’eau produite (…) devra respecter en permanence pour la turbidité (…) la limite de qualité de 1 NFU ». On y recommande également, « en raison de la nature karstique des aquifères sollicités » l’installation d’un turbidimètre pour enregistrer la turbidité sur un an pour déterminer si la pose d’une unité de traitement est nécessaire.

Il semble que l’aquifère karstique exploité pour Cabane ne soit pas exactement de même nature que pour Tresfond/Montaud : il est à priori plus sensible. Donc la contrainte de mettre en place un traitement de la turbidité est plus forte, et semble la rendre inéluctable.

La« temporisation » accordée à l’époque pour la source de Tresfond serait-elle encore possible aujourd’hui ? Je l’ignore. N’étant convié à aucune réunion, je n’ai aucun document en ma possession. Il semblerait qu’il faille attendre l’avis définitif de l’hydrogéologue agréé : il n’y a bien que sur ces bases qu’un tel traitement pourrait être évité. J’invite les conseillers municipaux à creuser la question.

Tray of water bottles – isolated on white

Peut-on sérieusement imaginer qu’une telle contrainte puisse sortir du chapeau ?

Comme par magie, juste parce qu’il y aurait eu des inondations ailleurs, ou parce qu’un employé ferait trop de zèle ? Non. Les normes de la turbidité sont définies au niveau national. La norme actuelle se situe à 1 NFU au moins depuis l’arrêté du 11/01/2007 (voir ici). Auparavant un décret de 1989 fixait à 2 la valeur de la turbidité (voir l’arrêté de 2007, et notamment son annexe 1 ici).

Ainsi, depuis 2007, les normes sont les mêmes. Cela n’est donc pas suite aux intempéries de cet automne que l’ARS ouvrirait un parasol énorme pour se couvrir. Soit notre eau est dans les normes, soit elle ne l’est pas, et il faut alors installer une unité de traitement. L’ARS et la mairie ont-elles des infos que je n’ai pas au sujet d’éventuelles mesures de la turbidité déjà effectuées sur site ? Si d’autres conseillers municipaux obtiennent des réponses à cette question, je les y encourage vivement à les rendre publiques.

Certes, nous vivons une période où l’État fait parfois preuve (d’un peu?) d’autoritarisme, et où l’empressement de certains de ses agents peut accélérer cette tendance. Ce sera le sujet de mon prochain article, relatif à la réponse de madame la sous-préfète au courrier que je lui ai envoyé.

Un dernier point : l’équipe municipale en place en 2012 a effectué un premier forage sur le site Cabane. C’est parce que le débit s’est révélé insuffisant qu’un deuxième forage a été réalisé à quelques mètres du premier. Vue la nature du terrain, la question de la turbidité a probablement été évoquée à l’époque. Quelqu’un en aurait-il gardé la mémoire ? Vers qui se tourner pour avoir des informations fiables sur le sujet ?

En conclusion :

La problématique de la turbidité n’est pas récente à Durfort. Contrairement à ce qui a été dit ce soir-là, ce n’est pas suite aux intempéries de cet automne que l’on nous impose d’installer une unité de traitement de la turbidité, mais du fait de la nature du terrain et de normes définies depuis longtemps au niveau national.

Contrairement à ce qu’a affirmé M. le maire ce soir-là, si nous avions fait le forage il y a 4 ans, nous aurions été soumis aux mêmes contraintes.

D’après les dernières informations, le forage devrait être être mis en service dès décembre 2021. Tant mieux ! Bonne chance à l’équipe actuelle pour mener à bien cette mission dans les temps annoncés.

À suivre!